Un groupe de cinq professeurs du lycée Nadar (I. Fievet, Pr de Lettres-Histoire, A. Cluniat-Garreau, Pr de Lettres-Anglais, B. Vignal, Pr de Maths-Sciences, G. Gelbart, Pr Lettres-Anglais, et C. Breton, Pr d’Eco-Gestion) s’est rendu en Islande du 7 au 11 février 2018 pour un séjour d’observation (Job Shadowing) dans un établissement scolaire de Selfoss, la Skólameistari Fjölbrautaskóli Sudurlands.

« Cette expérience contribue à remettre en question ma vision de l’enseignement »
Isabelle Fievet, professeure de Lettres-Histoire au lycée Nadar

Le job-shadowing en Islande a été pour moi une expérience très enrichissante. D’abord et avant tout, cela m’a permis de partir quelques jours avec des collègues que je connaissais assez peu. Ainsi, ce type de projet permet de connaître ses collègues et de les voir autrement. Cela permet également d’avoir une réelle bouffée d’oxygène en cours de trimestre. Ce voyage a été revigorant (pas seulement à cause de la température !).

Le système islandais est vraiment différent du nôtre : il est bien plus flexible. Il semble ainsi laisser une grande autonomie aux élèves. Ce dernier constat est bien sûr à nuancer car nous n’avons été présents que deux jours au sein de l’établissement. C’est déjà très bien mais cela reste court pour avoir une vue d’ensemble. L’absence de surveillants, de sonnerie, l’accès libre au lycée, l’ambiance qui semble réellement paisible et détendue, dans le lycée mais aussi en salle des professeurs, ont été marquants pour moi. Par ailleurs, l’autonomie des établissements permet une plus grande diversité d’enseignement en exploitant toutes les compétences des enseignants. L’exemple le plus évocateur reste pour moi l’enseignante de philosophie qui complète son enseignement par des cours de méditation. Elle propose également des cours de yoga, matière proposée dans le cadre de l’EPS. Cette possibilité offerte aux élèves de connaître leur corps, d’apprendre à gérer leur stress, de sentir le moment présent, de faire une « pause » vraiment sereine dans leur journée, leur semaine est à mon sens une véritable chance.

Le programme non fixé à l’avance était un peu stressant avant le départ. Il a finalement été une véritable chance. Nous avons pu établir notre programme au fil de nos rencontres et des invitations spontanées des enseignants. Après la matinée dédiée à la présentation du système islandais et du lycée par la proviseure puis d’une visite « express » du bâtiment consacré à l’enseignement professionnel, j’ai assisté à un cours de méditation puis de français. Nous avons raté un cours de théâtre (à 12 h 50 en islandais) car nous n’étions pas encore habitués à l’absence de sonnerie… Le vendredi matin, j’ai observé un cours d’anglais puis nous sommes retournés avec un groupe de français rencontré la veille. Nous avions dit aux élèves que nous allions revenir afin de répondre à d’éventuelles questions. Un élève a notamment demandé des conseils pour une année universitaire en France. Nous avons beaucoup échangé avec ce groupe. Le dernier cours auquel nous avons assisté, et le seul où nous étions cinq, est celui de yoga, une pause relaxante avant de rejoindre Reykjavik.

Le système professionnel en Islande ne semble pas être une « voie de garage » comme il est parfois perçu en France. L’ouverture des cours aux autres élèves, qui consiste à proposer des cours au semestre pour acquérir des compétences manuelles, illustre à mes yeux la flexibilité du système et contribue à diffuser une image plus positive de l’enseignement professionnel.

Le système par niveau, et non par classe, m’a interpellée. Dans les premiers cours auxquels j’ai assisté, j’ai trouvé cela très pertinent. Ensuite, j’ai réfléchi à la situation de deux sœurs portugaises qui assistaient au cours de français. Visiblement peu épanouies, elles restent ensemble et échangent peu avec les autres (selon les dires de l’enseignante de français). Peut-être qu’elles feraient la même chose dans un système tel que le nôtre (classe). Cependant, dans le cadre de notre environnement en banlieue parisienne, je me demande si ce système ne renforcerait pas les clivages sociaux. Selon les dires de certains professeurs islandais, leur lycée est critiqué car les élèves restent par zone géographique en dehors des heures de cours.  J’ai constaté qu’il y avait peu d’échanges entre les élèves en classe mais aussi en dehors des salles (couloirs). C’est assez surprenant.

J’ai assisté à un cours d’anglais : aucun élève n’a demandé au professeur ce que je faisais dans la salle ou ne m’a adressé la parole pour me dire bonjour ou me poser des questions. Ils semblent peu curieux. Les élèves avaient un travail en binôme à faire, j’ai observé que trois groupes échangeaient réellement leurs idées. Certains élèves travaillaient seuls, d’autres ne travaillaient pas. Ceux qui ne souhaitent pas travailler peuvent écouter leur musique et rester sur leur téléphone : ils sont totalement isolés du cours. Ils sont présents physiquement mais ne participent pas. L’avantage est qu’ils ne gênent pas la progression du cours, ni le professeur. J’avoue cependant que dans mon « idéal » d’enseignement nous devons essayer d’intéresser chaque élève à ce que nous faisons (même si nous n’y parvenons pas toujours). Ici encore, mon observation est à nuancer. J’ignore si les élèves qui ne travaillaient pas ne travaillent jamais ou si c’était exceptionnel. Cette approche pédagogique a donc, comme toutes les autres, des avantages et des inconvénients.

Lors de ce voyage, j’ai été particulièrement touchée par l’invitation de la proviseure et son attention à notre égard en invitant l’enseignante de français. Nous avons été très bien accueillis tant au niveau du repas que de l’ambiance : le partage culturel via le moment musical restera gravé dans ma mémoire.

Ce job-shadowing a suscité de nombreuses interrogations sur le système islandais mais aussi sur ma pratique et mes possibilités de changement. Il n’existe pas de méthodes parfaites et je ne sais pas si ces réflexions vont aboutir à de nouvelles méthodes mais au moins cette expérience contribue à remettre en question ma vision de l’enseignement et m’a fait découvrir un système vraiment différent du système français.


« C’est une très bonne chose de pouvoir apprendre du savoir des autres collègues »
Christophe Breton, professeur d’Eco-Gestion au lycée Nadar

Nous avons eu la chance de vivre une expérience hors du commun, dont voici un rapide résumé. Après 3h30 de vol, nous arrivons à Reykjavik, la froide et ventée capitale de l’Islande. Il neige,  nous décidons de prendre un taxi pour nous rendre à Selfoss. Cette petite ville de 7 000 habitants qui se trouve à 120 km de l’aéroport, nous mettrons presque 2 heures pour y arriver. La route est vraiment enneigée, le chauffeur roule très prudemment. En arrivant à Selfoss, il fait nuit et la neige tombe lentement, la route que nous avons prise est fermée dans l’autre sens, trop de verglas. A notre hôtel nous sommes accueillis par une jeune Espagnole qui travaille ici. Son fiancé est joueur de foot professionnel en Islande. Elle nous dit souffrir du climat et de l’isolement. En effet, ça la change d’Alicante. Nous dînons, dans un restaurant « Kaffé Kruis », de burgers et de sandwichs ; les gâteaux en dessert sont délicieux, l’eau du robinet est un régal. Les gens sont sympas mais sans plus.

Le jeudi matin, nous sommes à 8h30 dans le bureau de Mme la proviseur « Olga », que tout le monde appelle par son prénom. Elle nous propose une visite des ateliers du lycée professionnel. Nous passons par les ateliers d’électronique, de menuiserie et de coiffure ainsi qu’un atelier d’usinage. Les bâtiments sont très beaux et neufs, les élèves sont appliqués et surtout peu nombreux (15 par classe).

A 10 h 30 il y a une pause et nous allons dans la salle des profs, nous découvrons qu’il y a une cuisine avec un cuisinier qui a préparé comme chaque jour des petites tartines de poissons, d’œuf mayonnaise et de crudités. Le café et le thé coulent à flot, il règne une très bonne ambiance.

Puis nous passons encore un peu de temps avec le prof de menuiserie, qui nous explique le fonctionnement de son atelier. N’importe qui peut s’inscrire pour suivre des cours de menuiserie pendant huit semaines et connaître les bases ou plus. Je trouve que c’est une très bonne chose de pouvoir apprendre du savoir des autres collègues.

Puis arrive l’heure du repas, la cantine ressemble plus à un snack. Les élèves et les profs choisissent des burgers frites et confectionnent leurs burgers avec des crudités disposées dans un bac. C’est un moment assez calme, il y a de la musique type rap dans les haut-parleurs, les élèves sont détendus.

L’après-midi, nous assistons à un cours de philosophie. En fait ce n’est pas vraiment que de la philo, car le professeur associe la méditation et le yoga à la pratique réflexive de la philo. C’est un moment très agréable, la méditation, et les élèves jouent le jeu sans aucune difficulté. Ils ferment les yeux en classe et écoutent les consignes de méditation, nous pratiquons aussi. Je précise que le cours est 50 % en anglais, leur niveau – bien qu’ils n’aient que 16 ans – est très bon. Puis nous visionnons une rapide conférence TED : (https://www.ted.com/talks/susan_david_the_gift_and_power_of_emotional_courage). La classe est calme et concentrée, nous sentons que ce professeur et son cours sont appréciés.

Nous avons découvert que chaque professeur a un espace de travail, c’est-à-dire une salle dans laquelle il possède son propre bureau et son propre ordinateur portable. Un vrai luxe.

Nous assistons à un cours de français avec les élèves qui ont un bon niveau. C’est un moment de partage assez agréable pour eux et nous nous efforçons de parler doucement. En effet, ils ont la possibilité d’apprendre le français même si ce n’est ni courant ni actuel.

L’après-midi se termine à 16h30, déjà il fait presque nuit, les conditions climatiques ne sont pas formidables, mais les élèves viennent de loin doivent prendre le bus, et avec la neige…. Il n’y a pas de sonnerie dans le lycée « Fjölbrautaskóli Suðurlands » et les élèves ont beaucoup de liberté ; casquettes, écouteurs et nourriture en classe.

Le soir, nous marchons dans la ville et allons voir la rivière qui charrie de gros morceaux de glace, il fait froid, la ville est sous une couche de neige qui semble être là depuis longtemps. Il y a quelques canards courageux (des eiders) qui pêchent sur la rivière. Nous continuons à marcher dans la ville jusqu’à un quartier résidentiel. Les maisons sont assez grandes, en bois et recouvertes de tôles ondulés, il n’y a pas de clôtures entre elles.

Le soir, Olga nous invite à dîner chez elle. C’est un grand moment, nous arrivons avec du vin français et découvrons son mari, Kal, et son chien islandais. Le repas est délicieux : du saumon, du cabillaud, des légumes, du vin blanc et du cheesecake. Un moment très convivial qui se termine par des chansons islandaises, jouées au piano par Kal, qui parlent de l’arrivée du printemps… Tout un symbole. Les gens disent que si le temps est mauvais en Islande, eh bien, il faut attendre cinq minutes et cela change.

Le vendredi, nous commençons notre journée par 3 heures de classe de français. J’ai pris avec moi un diaporama sur les atouts de la France. Selon les niveaux des élèves nous allons plus ou moins loin, mais ils apprécient ce jeu de culture générale. Nous passons une matinée très agréable.

La cantine nous propose de l’agneau local avec une sauce à la rhubarbe qui se révèle délicieuse. Nous discutons avec nos collègues islandais, l’ambiance est détendue. Vers 14 heures nous avons rendez-vous pour un cours de yoga avec la prof de philo. C’est un moment génial de partage avec les élèves, ils font tous les mouvements avec application et sérieux, la musique est douce. Nous sommes aussi très  actifs et ce cours est très apprécié. Au moment de la fin de cours,  quelques minutes de relaxation et nous entendons des ronflements qui prouvent l’efficace application des consignes.

Hélas c’est déjà la fin, et à 16 heures nous prenons le bus qui nous amène à Reykjavik. Le temps est meilleur, le bus prend des élèves aussi ainsi que des familles pour la capitale. Sur le parcours, la neige recouvre la route et les pneus cloutés sont obligatoires. Notre hôtel est simple et bien placé. La ville est relativement petite. Nous sortons marcher et découvrons des rues en pente, des maisons alignées et colorées, quelquefois bariolées de tags, et des églises en béton.

Le soir nous dînons dans un restaurant de cuisine locale et dégustons la soupe de poissons et l’omble (un gros saumon). Un régal…. C’est dommage que l’alcool soit si cher, car un verre de vin blanc accompagne si bien le poisson.

Le samedi, nous continuons notre exploration de la ville sous un vent glacial et des rafales de neige. Nous finissons la journée dans une piscine extérieure à nous prélasser dans une eau à 40 °C. Les islandais sont fiers de leurs piscines d’eau chauffée par géothermie. Nous en ressortons revigorés et heureux.

Dimanche notre vol à 7 heures pour Paris est annulé et nous rentrons en passant par Amsterdam.

Quelle expérience enrichissante. Je n’aurais jamais imaginé voir l’Islande dans son quotidien en hiver.

Islande 2018 : images du séjour

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