Un groupe de quatre membres de la communauté éducative de Nadar (Mmes M. Bouhamidi, CPE, V. Breton, CPE, C. Reis, Pr de Lettres-Histoire, et M-E Périac, Pr d’Eco-Gestion) s’est rendu à Craiova en Roumanie du 23 au 26 mai dernier pour un séjour d’observation au sein du Liceul Charles Laugier.
« Une rencontre humaine »
Récit collectif
« C’est où la Roumanie ? » « Y’a plein de Roms …. » « Oh ! La spécialité c’est la soupe de tripes ! » Voilà ce que nous avons pensé à l’annonce de notre voyage à Croiava en Roumanie …
Puis le départ de Draveil à 9 heures, l’arrivée à Bucarest vers 17 h 30. Nous cherchons le taxi, il fait 30 °C, c’est le début de l’aventure. Le chauffeur ne parle que roumain. Départ pour Craiova pour un trajet de 3 h 30 en minibus. Les routes roumaines ou plutôt la route roumaine est parsemée d’embûches : trous, embouteillage, virages, accélération, ralentissement
L’aventure se poursuit… Nous arrivons à Croiava après avoir traversé des paysages de campagne, quelques images de La France d’avant, agricole, c’est un retour dans le temps. Le chauffeur nous dépose dans une station-service, Sorin nous attend et nous emmène à l’hôtel pour un dîner au bord de la piscine.
Jeudi : découverte du Liceul Charles Laugier. Nous sommes très bien accueillies par le chef d’établissement et ses collaborateurs autour de délicieux gâteaux roumains et de café. Puis nous faisons la visite de l’établissement après avoir remis le cadeau institutionnel de la part du lycée nadar. L’établissement se situe dans un vieux bâtiment, les salles de cours ont toutes du parquet, de vrais rideaux aux fenêtres, beaucoup de plantes vertes, il y règne une atmosphère très sereine. Les élèves sont très calmes et studieux, il n’y a pas de problèmes de discipline ou très peu.
Nous avons rencontré notre homologue roumaine, qui fait un peu psy, cop. Nous avons ensuite pris connaissance d’un power point sur le système éducatif roumain. Il n’y a que très peu de différences car la Roumanie a récemment réformé le système éducatif en s’inspirant du modèle français. Mais toutefois, nous en avons relevé quelques-unes : tous les personnels de direction et les inspecteurs ont une obligation d’enseignement à hauteur de 6 heures hebdomadaires. Les professeurs, tous les matins, signent un registre de présence et les relevés de notes et d’appréciations des élèves sont sur registre.
Le jeudi après-midi, après un déjeuner au lycée en compagnie du chef d’établissement, de son adjointe et de quatre collègues, nous avons visité Craiova, où nous avons vu des églises et le musée des traditions où nous avons admiré des broderies et des tapis de toute beauté.
Jeudi soir, nous avons tous ensemble dîné dans un restaurant traditionnel roumain, où on nous a servi des mets succulents, puis nous avons dansé des danses traditionnelles. Ce moment de partage de culture empli de bienveillance et de gentillesse sera le moment fédérateur du groupe. Cette rencontre humaine a été enrichissante et une vraie amitié est née.
Vendredi matin : visite au ministère de l’Education nationale, où nous sommes reçues par l’inspectrice en charge des projets européens. Ils sont extrêmement fiers du travail partenarial avec plusieurs établissements européens.
Puis nous sommes attendues dans l’équivalent de notre lycée professionnel, le « Colegiul Stefan Odobleja », dont une partie est consacrée à l’enseignement de l’électrotechnique. Visite des ateliers, au cours de laquelle nous pensons à nos collègues d’électrotechnique. Ils sont eux aussi très fiers de nous montrer le robot lanceur de billes et l’imprimante 3D. Ils proposent également, lors de cette visite, un travail en partenariat avec les collègues pour ouvrir des opportunités à leurs élèves de travailler en France.
Après cette visite, déjeuner dans un restaurant bucolique de la ville, en terrasse. Encore un moment de partage inoubliable où les discutions professionnelles s’entremêlent avec les confidences. Juste avant, un petit passage obligé par le marché de Craiova.
Nous repartirons enrichies de rencontres humaines, d’odeurs, de goûts… Nous attendons et espérons pouvoir les recevoir au lycée Nadar en octobre 2018.
Merci aux différents organisateurs (Erasmus +, Mme Bazir, les différents établissements d’accueil) et facilitateurs (M. Santiago, Sorin et ses collègues..) de nous avoir permis de vivre cette mobilité.
« L’immersion dans un milieu scolaire différent permet de questionner nos pratiques pédagogiques et professionnelles »
Caroline Reis, professeure de Lettres-Histoire au lycée Nadar
Le Liceul Charles Laugier de Craiova où nous avons été reçues compte environ 1 200 élèves répartis dans une quarantaine de classes. Il emploie 92 enseignants, recrutés par concours après une formation pédagogique et didactique post lycée. Cet établissement, d’abord confessionnel et réservé aux filles de familles aisées, est aujourd’hui l’un des plus grands du département de Dolj . Il dispose d’un internat et est divisé en deux parties : le lycée théorique et l’école sanitaire post lycée.
Le lycée théorique est comparable au nôtre : dès la Seconde, les élèves se spécialisent : en mathématiques-sciences (spécialisation informatique ou SVT) ou lettres et sciences sociales (équivalent à nos filières L/S/ES).
L’école sanitaire forme des infirmières, des aides-soignantes, des préparateurs en pharmacie, des assistants en radiologie, en laboratoire, des assistants médicaux en balnéothérapie et kinésithérapie. Cette formation s’apparente aux BTS. Elle est néanmoins accessible à des étudiants qui n’ont pas réussi le baccalauréat à la fin du cursus scolaire. Ce dernier est lui aussi, dans sa globalité, très proche du nôtre. Une école maternelle, une école primaire et un « collège » appelé le gymnasium. C’est ensuite que l’orientation se fait : tout comme en France, les élèves roumains sont orientés en lycée théorique (général) ou professionnel.
Nous avons eu l’opportunité de visiter un lycée professionnel de Craiova, le lycée Tefan Odebleja, lors des journées portes ouvertes. Cet établissement forme les élèves en électrotechnique, microtechnique, électromécanique, commandes numériques.
L’atelier d’électrotechnique (« atelier mecatronist ») que nous avons visité était très moderne. Equipé d’une imprimante 3D qui fait la fierté de l’établissement, il est aussi doté de machines perfectionnées. Une voiture Ford est à disposition des élèves dans la salle de cours, l’établissement ayant un partenariat avec l’usine implantée dans la ville. Les meilleurs élèves sont embauchés après l’obtention de leur diplôme. Les enseignants avec lesquels nous avons échangé ont tout de même témoigné de la difficulté pour leurs élèves de trouver du travail à la sortie du lycée. D’ailleurs, nombre d’entre eux sont décidés à partir à l’étranger avec le rêve d’une embauche durable afin de mettre en pratique leurs apprentissages.
Tout comme dans notre système, les élèves de lycée professionnel sont en demi-groupe en atelier ou lors des cours pratiques. Ils partent aussi en stage (environ 6 à 8 semaines sur la totalité de leur formation.)
Les deux établissements que nous avons visités respiraient la sérénité et la tranquillité. Les couloirs, salles de classe et bureaux sont tous, sans exception, fleuris et décorés de plantes vertes. Ce détail peut sembler anodin, mais il a tout de suite attiré notre attention. Le charme des bâtiments, des vieux parquets, des tableaux noirs, du mobilier en bois, conjugué à la verdure invitent au travail et au calme. D’ailleurs, les relations entre les personnels et avec les élèves semblent elles aussi être apaisées. Les rapports de hiérarchie, bien qu’existants, ne dominent pas les relations. D’ailleurs, lors de notre visite au ministère de l’Education nationale, professeurs, responsables de projets et inspecteurs se sont tutoyés. Le fait que les proviseurs et les inspecteurs ne soient pas totalement déchargés de leur mission d’enseignement joue certainement un rôle dans cette relation. Par-delà les rapports hiérarchiques, les membres de la communauté éducative sont avant tout collègues.
Les relations avec les élèves semblent aussi moins tumultueuses que chez nous. En effet, lors de nos échanges sur le métier de CPE (qui n’existe pas en Roumanie), nos collègues roumains ont affirmé ne pas connaître de problèmes de discipline. Certes, ils connaissent des difficultés, parfois avec certains élèves peu motivés, qui, à l’image de certains des nôtres, arrivent sans stylos, mais ils ne notent pas de problèmes d’incivilité ou d’irrespect. Il semble que l’école soit véritablement porteuse d’espoir. Le climat scolaire serein est aussi certainement dû à l’emploi du temps en demi-journée. En effet, les cours se déroulent de 8h à 14h tous les jours. Nous savons d’expérience que les problèmes de discipline interviennent le plus souvent après le déjeuner lorsque la fatigue se fait sentir. Néanmoins, un conseiller scolaire, psychologue, se tient à la disposition des élèves pour échanger et trouver des solutions à certains problèmes (sociaux, scolaires, addictions, orientation…).
Le métier d’enseignant en Roumanie est très similaire au nôtre. Après concours, un professeur peut être titulaire de son poste. Si tel est le cas, il est affecté dans un établissement et ne peut en partir que si une section ferme et ne peut plus permettre à l’enseignant d’effectuer ses 18 heures hebdomadaires. Un professeur qui le souhaite peut aussi être référent d’une classe. Dans les matières générales, de nombreux enseignants donnent des cours particuliers afin d’augmenter leurs salaires. En début de carrière, le salaire moyen est de 400 euros. Il existe aussi un dispositif de formation continue tout au long de la carrière.
Les enseignants roumains disposent de plusieurs semaines de vacances : de juillet à août, puis 5 semaines dans l’année.
La place des projets européens au Liceul Charles Laugier
Le liceul Charles Laugier se saisit de tous les projets européens et s’implique autant qu’il le peut : Erasmus+, Comenius, partenariats, échanges d’étudiants, stages à l’étranger. Les classes du lycée sanitaire étaient d’ailleurs en stage en Italie au moment de notre visite. Depuis des décennies, les projets se sont multipliés, dont le projet Erasmus+ « Unissons nos cœurs », au côté du lycée Nadar, au titre de la France, et d’établissements allemands, italiens et polonais, en 2017-2019.
Les professeurs participent également aux stages individuels et aux conférences en France, Italie, Espagne, Hollande, Portugal.
Les couloirs et salles de classes sont tous ornés de drapeaux de l’UE et les projets sont exposés et affichés fièrement dans l’ensemble de l’établissement.
Il ne fait aucun doute que pour les Roumains le rattachement de leur pays à l’UE est porteur d’avenir. En effet, les drapeaux européens sont exposés fièrement dans les établissements scolaires mais aussi sur les édifices et les monuments nationaux. Dans la ville de Craiova, un mur, peint par les jeunes étudiants de la faculté des arts, a attiré notre attention. Chaque pays de l’UE y figure, d’après les représentations que l’on peut en avoir : tenues folkloriques, monuments… Il m’a semblé évident, dès lors, que l’UE représentait davantage pour eux que pour nous, qui sommes habitués à yen faire partie depuis 1950. N’ayant jamais rien connu d’autre, l’UE est un acquis si important que l’euroscepticisme gagne du terrain chaque jour.
Un voyage au cœur de la géographie et de l’histoire pour comprendre le présent
Ce court voyage en Roumanie m’a permis de visualiser et d’appréhender les différences d’un pays européen à un autre. En effet, l’enseignement de l’Europe que je fais en classe de Terminale a pris tout son sens et j’ai pu citer en exemple ce que j’y ai vu : l’aménagement des territoires européens grâce au FEDER, les disparités et déséquilibres au sein même de l’UE…
De plus, la notion d’union a elle aussi revêtu un sens différent. En effet, alors que certains d’entre nous ne voient qu’une union supranationale, parfois plus contraignante que synonyme d’espoir, j’ai compris que le monde dans lequel j’évoluais depuis des décennies était une véritable chance. Il m’était difficile de m’en rendre compte car la CEE puis l’UE ont toujours fait partie de mon quotidien. Née de parents européens et vivant en France, j’ai beaucoup voyagé en Europe mais aucun pays ne m’avait paru autant en « décalage » avec ce que je savais de l’UE. Ce que j’ai ressenti, je ne l’avais ressenti qu’après m’être rendue dans des pays en voie de développement, en Afrique ou en Amérique du sud. Cette sensation d’être une enfant gâtée, à qui la chance a tout donné. De la Pologne, à la République Tchèque, en passant par les pays méditerranéens, jamais je n’avais vraiment compris ce que l’UE pouvait apporter aux territoires. J’ai trouvé presque touchant cet « amour» et cette fierté qui lie les Roumains à l’Europe. Grace à cette adhésion, les Roumains qui, jusqu’à il y a peu, vivaient sous l’autorité d’un terrible dictateur, voient enfin leur avenir sous de meilleurs auspices. La majorité des enfants des personnes que nous avons rencontrées souhaitent vivre dans un pays européen, jouir de cette liberté et quitter la Roumanie afin de pouvoir, peut-être un jour, y retourner pour améliorer encore davantage le quotidien du pays. Ce qui est certain, c’est que tous, souhaitent voir leur pays se développer à l’image de ceux de l’Europe de l’Ouest.
Ce voyage a été aussi enrichissant car nous avons pu nous confronter à une page de l’histoire qui a laissé des séquelles importantes, tant dans l’architecture que dans les modes de vie (même s’ils ont tendance à s’occidentaliser de plus en plus (Bucarest n’a rien a envier à Paris en terme de divertissement par exemple ). Les quarante années de dictature communiste de l’autre côté du rideau de fer se visualisent à chaque coin de rue, chaque immeuble. Hormis à Bucarest, la société de consommation et la publicité n’ont pas encore envahi les rues. A la campagne, l’agriculture reste traditionnelle et peu industrialisée (nous avons croisé à plusieurs reprise des charrettes tirées par un cheval). Les récits des personnes que nous avons rencontrées sur la période communiste sont d’ailleurs difficiles à accepter. Lire dans les livres d’histoire ce que fut la vie sous Ceausescu et échanger avec ses contemporains est bien différent. L’histoire est incarnée.
Ce voyage a aussi été l’occasion de découvrir une culture. En effet, nous avons eu l’occasion de visiter plusieurs églises orthodoxe et d’en apprendre davantage sur cette religion qui est majoritaire en Roumanie. Les édifices religieux sont nombreux (trois dans le centre de Craiova). Nous avons pu assister à un discours sur le rapport de la vie à la mort dans la cathédrale Madona DouDou. Un prêtre a d’ailleurs tenu à nous oindre le front avec de l’huile bénite. Notre réaction, légèrement hostile, à ce geste qui a posteriori n’avait pas de lien avec un quelconque prosélytisme, a surpris. La religion occupe une place importante dans la société. D’ailleurs, des cours de religion sont dispensés dans l’école publique et les bureaux sont décorés avec des icônes (la vierge à l’enfant notamment.)
L’équipe du Liceul Charles Laugier, hospitalière à souhait, nous a accueillies comme des « reines » : gâteaux et repas faits maison, visite de la ville… Nous avons d’ailleurs eu la chance de visiter le musée des Traditions de la région (agriculture, folklore, tissus, céramiques, coutumes). Nos collègues roumains nous ont aussi fait découvrir la gastronomie, la danse et la musique en nous invitant dans un restaurant typiquement roumain. Nous avons dansé et nous sommes régalées. Une mauvaise expérience à Bucarest avec les chauffeurs de taxi n’entachera pas l’image de gentillesse que nous avons des Roumains.
Ce voyage d’observation en Roumanie aura donc été enrichissant à tout point de vue : professionnellement, car l’immersion dans un milieu scolaire différent du nôtre permet de réfléchir et de questionner nos pratiques pédagogiques et professionnelles. Culturellement, car nous avons appris et découvert de nombreux aspect de l’histoire et de la culture roumaine. Enfin, cette expérience, c’est aussi et surtout des rencontres humaines exceptionnelles. Finalement, c’est peut être aussi cela l’Union européenne !